Lisez-vous le belge… à l’étranger ? - Katarzyna Marczewska

23.11.2023
Portrait Katarzyna Marczewska

C’est devenu une tradition : chaque année au mois de novembre, l’opération « Lisez-vous le belge ? » met en lumière les livres belges francophones à travers celleux qui les font et celleux qui les lisent.

Partenaires de cette grande opération, Passa Porta propose cette année d’interroger la destinée de la littérature belge à l’étranger. S’exporte-t-elle bien ? Quelle réputation pour quel succès ? Et surtout : quel.el.s auteur.ices belges ont la cote en traduction en ce moment ?

Nous avons posé la question à des traducteurices professionnel.le.s qui sont la voix de livres belges à l’étranger. Trois traductrices et un traducteur résident.e.s récent.e.s de « Seneffe en août », notre résidence annuelle estivale d’écriture et de traduction. Un cadre inspirant et une retraite dans laquelle des traductrices et traducteurs des quatre coins du monde peuvent venir écrire. Pourvu qu’iels travaillent sur un titre d’un.e auteurice belge francophone. Nous avons demandé à quatre d’entre elleux de nous parler du livre belge qu’iels choisiraient entre tous.

Lisez-vous le belge à l’étranger ? Voici leurs réponses. Venues de Porto Alegre, Varsovie, Rio et Madrid.

Le choix de Katarzyna Marczewska : Congo Inc. De In Koli Jean Bofane (Actes Sud, 2014).

« Depuis je ne sais plus combien d’années, je suis abonnée au Carnet et les instants et je lis régulièrement tout ce qu’on y publie sur les nouveautés littéraires belges. Un jour, j’y ai lu un article sur Congo Inc. de In Koli Jean Bofane. Je terminais la traduction de L’Afrique fantôme de Michel Leiris, j’ai pensé au Coeur des ténèbres de Joseph Conrad, au journal de Gide, j’ai commandé le livre – et j’ai su que je voulais le traduire. Congo Inc. montre un tableau du « coeur des ténèbres » à l'époque de la mondialisation. C’est une sorte de Bildungsroman dont le héros est un Pygmée qui quitte la forêt natale pour tenter sa chance à Kinshasa, où il rêve de faire du business. À travers ses aventures, nous rencontrons des enfants de rue, d'ex-rebelles, des réfugiés, des soldats de l'ONU, des anthropologues, des hommes d'affaires chinois. Et leurs vies, leurs trajets individuels dessinent l'histoire du Congo écrite non pas par un Occidental, mais par quelqu’un qui la voit de l’intérieur, car l’auteur est né au Congo, encore belge à l’époque. C’est un livre équivoque où les victimes deviennent des bourreaux à leur tour, un livre cruel où la vertu n'est pas récompensée, un livre qui ne laisse pas d’illusions sur le sort des héros – seul l'humour de l'auteur peut sauver le lecteur du désespoir. Mais cet humour, et l'action qui prend tout le temps des tours imprévisibles, font lire ce roman d'un seul trait. Il paraîtra en Pologne en décembre.”

Katarzyna Marczewska
Varsovie, octobre 2023

Katarzyna Marczewska (Pologne) était cette année en résidence à « Seneffe en août » pour écrire sa traduction de Moi qui n’ai pas connu les hommes de Jacqueline Harpman (Stock/Livre de Poche).

23.11.2023