courage (2) ryoko sekiguchi

01.12.2020
Texte d’auteur
Sekiguchi courage

En ces temps troubles, nous avons demandé à des autrices et auteurs que nous admirons ce que la notion de courage leur inspirait. Souvenir, micro-histoire, anecdote ou réflexion plus métaphysique : ils sont nombreux à nous avoir répondu. Un feuilleton à suivre dans les prochaines semaines.


Le courage est toujours associé à l’acte ; celui d’entreprendre des choses difficiles ou pénibles. C’est « la fermeté du cœur, la force d’âme qui se manifestent dans des situations difficiles obligeant à une décision, un choix, ou devant le danger, la souffrance » d’après le dictionnaire Trésor de la langue française. Le mot est étymologiquement dérivé du cœur, auquel est venu s’ajouter le suffixe – age, et signifie le « cœur en tant que siège des sentiments ».

En japonais, l’équivalent serait « yûki o dasu », ou « sortir le cœur vaillant » (de l’intérieur de soi). C’est un acte extra-verti. Ou un acte extra. On fait émerger notre existence dehors, dans le monde.

Lorsque la société est en plein bouleversement, on devient forcément plus courageux, pour ne pas mourir ou ne pas faire souffrir ses proches. Lors de mon séjour au Liban, ce pays qui a connu des dizaines d’années de guerres et de conflits, tout le monde s’accordait à dire qu’ils font tout très vite : on décide tout très vite, on vit une vie intense, car on ne sait pas ce que demain nous réserve. Un peu comme lorsqu’on vacille lors d’un tremblement de terre : on est obligé de bouger pour retrouver l’équilibre.

Lorsque le monde ne nous permet pas d’être dans la procrastination, le courage devient presque l’affaire du quotidien, une disposition du cœur.

Dans la vie, un.e étranger.ère s’entendra souvent dire : « C’est courageux de venir s’installer dans un pays étranger… loin de sa famille, loin de sa langue maternelle… ».

Il est vrai que vivre à l’étranger, c’est comme vivre sur une terre particulièrement instable. Le sol est glissant et, sans racines, on peut à tout moment tomber on ne sait où. Écrire dans une langue étrangère est en soi un acte de courage perpétuel. La langue étrangère est un autre par excellence, on ne peut pas prétendre, comme c’est le cas avec sa langue maternelle, qu’on a un lien de parenté. Sorti du cocon, on est toujours dans cette situation d’extra. Le dehors est notre habitat. Le vent est notre aliment. On sort, on respire.

Ryoko Sekiguchi (1970) est née au Japon, et vit en France depuis près de 20 ans. Elle est l’autrice d’une dizaine de livres en japonais et en français (La Voix sombre, Le Club des gourmets, Nagori). Traductrice littéraire (notamment de Jun'ichirō Tanizaki), elle organise également des événements qui relient littérature et cuisine.

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01.12.2020