Lisez-vous le belge… à l’étranger ? - Gabriela Porto Alegre

16.11.2023
Portrait Gabriela Porte Alegre 1

C’est devenu une tradition : chaque année au mois de novembre, l’opération « Lisez-vous le belge ? » met en lumière les livres belges francophones à travers celleux qui les font et celleux qui les lisent.

Partenaires de cette grande opération, Passa Porta propose cette année d’interroger la destinée de la littérature belge à l’étranger. S’exporte-t-elle bien ? Quelle réputation pour quel succès ? Et surtout : quel.el.s auteur.ices belges ont la cote en traduction en ce moment ?

Nous avons posé la question à des traducteurices professionnel.le.s qui sont la voix de livres belges à l’étranger. Trois traductrices et un traducteur résident.e.s récent.e.s de « Seneffe en août », notre résidence annuelle estivale d’écriture et de traduction. Un cadre inspirant et une retraite dans laquelle des traductrices et traducteurs des quatre coins du monde peuvent venir écrire. Pourvu qu’iels travaillent sur un titre d’un.e auteurice belge francophone. Nous avons demandé à quatre d’entre elleux de nous parler du livre belge qu’iels choisiraient entre tous.

Lisez-vous le belge à l’étranger ? Voici leurs réponses. Venues de Porto Alegre, Varsovie, Rio et Madrid.

Le choix de Gabriela Porte Alegre : Le Grand Menu de Corinne Hoex (eds. Espace Nord)

« J’avais traduit Ma robe n’est pas froissée de Corinne Hoex (Les impressions nouvelles, 2008) en portugais du Brésil en 2022, et le livre avait eu une notable résonance auprès du public brésilien. Ce n’était donc qu’une question de temps pour que je me penche sur son premier roman Le Grand Menu, d’abord comme lectrice et finalement en tant que traductrice avec un projet soutenu par la maison internationale des littératures Passa Porta.
Infusé dans l'inconscient d'une petite fille coincée entre les affronts constantes d'un Papa accablé par une bête interne et les dures réprimandes d'une Maman vexée, gênée et trouée par cette gamine qui n’est pour elle et lui qu'un objet de partage, Le Grand Menu a été comme les autres ouvrages de Corinne Hoex salué par la critique. Miné d’images frappantes dans le scénario presque claustrophobe de ce triangle infernal, le récit éviscère, dans des mots d'une lucidité troublante pour une narratrice-enfant, une dynamique familiale habilement cachée derrière les apparences et le bruit des rires inépuisables de parents tordus. Ils emmènent cette fille sans nom avec sa belle robe de dimanche à des dîners interminables au « Grand Menu », où la torture de cette incarcération continue au bruit de ces bouches qui mangent violemment et avec brusquerie.
Lors du processus de traduction de ce livre, j’ai fait face au paradoxe d’une histoire à la fois immanente, hermétiquement fermée sur elle-même comme l'huis clos d'une enfance (Annie Ernaux, 2008) et dans le même temps transcendante, au-delà du particulier. Une histoire qui jette une lumière crue sur des silences jamais brisés, des abîmes jamais dépassés, qui nous font franchir encore un pas, tourner encore la page, témoigner d’encore plus près cette calamité intime révoltante. Une calamité qu'éveille quelque chose qu’il faut éveiller. »

Gabriela Porto Alegre
Porto Alegre, octobre 2023.

Gabriela Porto Alegre (Brésil) était en résidence cette année à « Seneffe en août » pour écrire sa traduction du Grand Menu de Corinne Hoex (Les Impressions Nouvelles).

16.11.2023