Litanie pour 62 morts de la rue bruxellois en 2017
Chaque année, des dizaines d'hommes et de femmes décèdent dû aux dures conditions de la vie dans la rue à Bruxelles. Les membres du Collectif de poètes bruxellois écrivent chaque année une litanie avec les informations personnelles que leur transmet le Collectif Morts de la rue, pour les commémorer individuellement. Passa Porta s'occupe de la coördination et de la rédaction de ce texte polyphonique et collectif. Le 22 mai 2019 à 11h, à L'Hôtel de Ville de Bruxelles, une nouvelle Litanie sera dédiée aux morts de la rue de 2018.
Ci-dessous, vous découvrirez la litanie de l'année passée, pour les 62 morts de la rue en 2017. Ce texte a été lu le 25 avril 2018 par Maarten Goethals et Manza, lors de la cérémonie annuelle à l'Hôtel de Ville. Les poètes qui y ont participé sont Adolfo Barberá, Frank De Crits, Maarten Goethals, Manza, Serge Meurant, Ramón Neto et Xavier Queipo.
-
Walter, 47 ans
C’était la première nuit de l’année.
La mort t’emporta par surprise
dans la communauté où tu vivais.
Tu n’avais pas rompu le lien avec ta famille,
elle connaissait ton mal de vivre.
Hubert Dariusz, 43 ans
A l’annonce de ta mort, ta maman
nous dit qu’elle était trop pauvre
pour rapatrier ta dépouille.
Elle légua ta montre à ton meilleur ami.
Waldek, 46 ans
Inconnu des registres, enterré
à la hâte sous un nom qui n’était
pas le tien, repose en paix
toi qui mourus un dimanche midi
jour de marché.
Dariusz, 45 ans
Ses compagnons d’infortune
témoignent de leur douleur
à la perte de leur ami.
Ils ont organisé son rapatriement en Pologne.
Dagmar, 69 ans
Originaire de Prague, elle formait avec Luc
un couple inséparable.
Elle était aimée pour sa beauté, sa douceur,
son souvenir demeure en nous.
Alberte, 72 jaar
Als een lief oud grompotje liep ze rond
aan de Beurs en de Munt, in goed gezelschap.
Haar honger naar vrijheid was niet te stillen,
Haar laatste vriendin een blonde gauloise.
Anton, 43 jaar
Uit het verre Roemenië kwam hij naar hier
om naar de metro’s te kijken. In de warmte van
station Troon sliep hij, onwettig, voor altijd in,
omarmde hij zijn drie tattoos.
Tony, 57 jaar
Speciale man met een uitzonderlijk verleden,
dat hij soms aan zijn hond Jack vertelde. Hij zat nooit
om een grap verlegen en voelde zich goed tussen de
gasten van La Madeleine, die allemaal afscheid namen.
Cezary (Czarek), 42 jaar
Het Vossenplein en het Zuidstation waren zijn lippen
geijkte plaatsen. In zijn dromen reed hij door de stad
als een Tataar op zijn prachtig paard.
Op een zo’n tocht verloor zijn hoofd het noorden.
Marc, 49 years old
Helen’s thread is a cold breeze
Drifting over the old quay
Break now Ariadne’s chain
And set free!
René, 64 ans
Hébergé au Poverello depuis 2009,
il avait eu de bons contacts
avec l’Abbé Van der Biest. Il était connu
pour son humour provocateur.
Patrick, 45 ans
Il aimait les parcs bruxellois
et la mer dont il rêvait.
« Les mots que l’on n’a pas prononcés, »
dit un ami, « sont les fleurs du silence. »
Alain, 47 ans
Habiter la maison inhabitable
tel était ton rêve et ton combat
après le deuil de ta compagne
pour l’amour de ton fils adolescent
Alfred, 71 ans
Ton ami Mohamed souhaita
pour partager son deuil
qu’on lise à ton enterrement un poème
sur la solitude qui fut la tienne de ton vivant.
Mohamed, 27 ans
L’Afrique et l’Union Africaine étaient tes centres d’intérêt.
Jovial et habillé comme un rappeur, tu rendais les autres joyeux aussi.
Que l’épaisseur humide et fertile de la terre
t’enrobe dans une forme d’apaisement.
Marc, 42 jaar
Broos, frêle, tenger liep hij van hier naar daar,
een glimlach op de lippen. Hij trachtte naar het licht in zich.
Soms was dat licht zijn geloof. De roes haalde hem
vaak onherroepelijk in, en dat werd zijn einde.
Patrick, 61 jaar
Eens een kind van Enghien, altijd een kind
van Enghien. Boeken waren zijn trouwste vrienden
en sciencefiction hielp hem aan de werkelijkheid
te ontsnappen. De Kunstberg werd zijn laatste halte.
Charles, 70 jaar
Je keerde terug uit India met een heldere blik, een paardenstaart
en de ontegensprekelijke kunst van het zwijgen.
Op de begraafplaats niemand, zelfs geen ademloze ziel,
misschien was dat zwijgen uit de verte wel de dood?
Janusz, 52 jaar
In het Centraal Station liepen de gehaaste reizigers
achteloos voorbij. Zijn verbaasde blik
van een waar kind merkte dat niet op.
Het station werd zijn laatste rustplaats.
Walid, 37 years old
The qibla of Newfoundland
Looks towards silence
Deep into the Mouth East
You dance & you trance
Ewa, 37 ans
Femme forte de caractère transitant
de la rue Haute à la Bourse, du Mont des Arts à la rue des Cendres
– à une vie de distance de Wodzisław Śląski et de ta Silésie natale.
Ta présence soutenante, toujours bienveillante,
reste.
Régine (« Cathy »), 59 ans
Bigoudi, Plume-plume, Moustique et Camélia,
ton chien et tes trois chats – leurs noms sont tout un poème
d’amour. Dame rigolote au caractère bien trempé.
On devait être vrai avec toi. Impossible de faire semblant.
Dariusz, 34 ans
Station électrique des chemins de fer de la SNCB,
quelque part dans le nœud ferroviaire de Schaerbeek.
D’ici nulle voie ne mène aux confins orientaux de la Pologne.
Nous ne connaîtrons jamais quels silences l’éclair a emporté avec lui.
Michel, 53 ans
Course folle d’une voiture avec la mort assise sur le siège passager.
Le chandelier du jour s’éteignit soudainement.
Et tandis que ton cœur battait encore
tes nerfs étaient déjà branchés à toutes les racines de la terre.
Francisca (« Françoise »), 56 ans
On nous dit que tu parlais le français sans accent.
Tu parlais donc avec un parfait accent bruxellois.
Tu avais perdu tous tes droits mais personne n’a pu t’enlever la joie de vivre
ni la lumière de la Costa Blanca scintillant dans les coins de tes yeux.
Mohammed, 50 jaar
De straten onthielden niets van zijn gezwerf.
In Poverello hielp hij zijn lotgenoten,
met een glimlach, met kleine werkjes.
Het noodlot van de ziekte verkortte zijn harde leven.
Ali « la Fleur », 42 jaar
En je zong en je zong, welbespraakt in de opmaat
Van je stok, je tong, de zon. Jij – bloem, bloem.
Maar de dood (dat gestouwde, gestand gezoem)
Stokte in het gelaat van je blauw gestreepte dageraad.
Jean-Yves, 60 jaar
In het geniep, tot diep in de dag dacht je nog: ik koop brood
En wijn en draag kleren als van een koning in het rood.
Tot in je longen als een kilte de dood als een wind
Opstak, je lijf betrad als kist en woning, nu nachtblind
Terreurbewind.
Benaïssa (Ben), 58 jaar
Eertijds je karakter, een kat op een mat, eertijds uit hout de vouw.
Eertijds de verhalen die je las, een papieren harnas.
Eertijds daverend je stilte, geen taal zonder teken of vloek.
Eertijds wat je altijd al wist: de dood rond het leven, de kaft rond een boek.
Piotr, 59 years old
The world is too narrow to contain you
& The journey is not too long
For the Prince of this World — Oh you, come, come!
Take a basket & an oil lamp!
Omar, 16 ans
On a voulu nous faire croire que c’était un flot humain
qui nous envahirait et dont il fallait qu’on nous protège.
Mais ose-t-on regarder la mort en face
quand derrière les rideaux des politiques de déshumanisation
on découvre le corps sans vie d’un adolescent ?
Jarosław (Jarek), 46 ans
Infection très lourde au bras et ton corps déjà saturé de nuit.
La même nuit qui répète comme un mantra les prénoms de tes trois enfants
laissés en Pologne.
Tes affaires ayant été volées à l’hôpital
seule une enveloppe grise témoigne de ton passage dans ce plat pays.
Mark, 51 ans
Ziggy et Pasha étaient tes deux compagnons à quatre pattes,
leurs deux noms à prononcer avec ton bon vieil accent « british ».
Ta joie et ta bonne humeur résonnent encore dans le brouhaha
du marché aux puces de la Place du Jeu de Balle.
Mariusz, 43 ans
Il retrouvera sa belle Pologne d’origine
il la verra enfin d’en haut, belle et unie, comme il l’imagine
il préfère la vue du ciel à la froideur des ruelles
dont sa peau se rappelle
Laurent, 50 ans
De nature solitaire, il était un homme de caractère
sympathique avec les gens sincères.
Lire, c’était sa passion première, à 50 ans, il s’en est allé de Place Anneessens
vers ces beaux nuages qui libèrent du froid des hivers.
Franz, 73 jaar
‘Liefste, ik kom krom verstom, klauter klim daal en sluip
als een slang rond je arm rond het gelikt metaal
van muiltjes – jij en ik opnieuw, onder ons egaal
in een gestreept gestrekt, stijf gehouwen stuip.’
Ruslan, 38 jaar
Jij beer van een heer, jij winterdier, jij Rus
In je knus hok met je onhandige wrok –maar in je slaap
(een warm en wijd ligbad) komt het sterven als stoom
Loom van je los. Je waait als sneeuw naar je vaderland.
Dumitru, 59 jaar
Zo ging je dan: gekleed in het karaat op straat
dat eens glas was, en waarheid – en zo ging het luisteren: de wind
vol krassen op de weg – en zo het sterven: fonkelend
langs het koor van kiezels, tussen het wachten en de wagens door.
Dorothée, 40 jaar
Nu ik lig – zie ik mijn naam als een bloem verbleken
En word ik hard van zaden die steek na steek als maliën aanbreken
Een kop onder een helm vol zweren en zwarte dromen, maar geen God
Met armen zo breed om de zon als verf over mij en mijn erf te smeren.
Serge, 53 years old
The poet threw a compendium into the sarcophagus
And you smiled like the Wrong Man
Proving & dancing your innocence
Amid Anspach’s cymbals and harps
Leszek, 55 ans
Souvent seul et pensif, toujours en balade avec tes valises
tu étais sociable et serviable, jamais dans la méprise,
des Marolles à la Porte de Hal, on se souviendra de toi
comme d’un homme volontaire qui a toujours gardé la foi
Jean-Claude, 68 ans
Putain de cancer, J.-C. tu es parti là où tu te joueras de tous les cancers
tout le monde parlait de toi comme un homme gentil et sincère
tu ne te plaignais jamais, même dans la douleur, tu souriais
la rue n’a jamais réussi à t’enlever cette personne classe que tu étais.
Naser, 53 ans
C’était un bon vivant, rempli d’humour, respectueux avec les gens.
Il aimait lire les bandes dessinées et en parler à ne plus s’arrêter.
Il adorait les brocantes, les bonnes ambiances.
Ceux qui t’ont connu ne t’oublieront pas…
Laurent, 45 ans
Tu trainais avec toi des problèmes de santé, tu n’en disais mot.
À 45 ans, tu as fini par succomber et partir trop tôt
mais on ne choisit pas son heure, discret, tu es parti rejoindre les étoiles
sans rien dire, mettre les voiles tel un dernier soupir.
William, 53 ans
Tu es parti suite à une hémorragie
mais tu resteras gravé dans pas mal de mémoires et de cœurs.
De Gare centrale à la Rue neuve, tu étais connu pour ta bonne humeur,
parfois têtu mais jamais méchant, tu étais sensible avec une âme d’enfant.
Edlir, 37 jaar
Je liep al te kwiek in je werk verloren — ten slotte in het leven
Dat echter niet meegaf, dat onaf en kortaf
Onbedacht vannacht ophield. De aarde
Verklaarde zich duister, niet in staat te vergeven.
René, 73 jaar
Opeens trof het mij (toen ik mijn handen als fruit liet hangen
of paarsachtig hoog hief, naar het mauve en de rag
als glaslood naar de hemel, en zo mijn rimpels zag)
dat strak om de dood het leven als huid zit aangespannen.
Vasile, 52 years old
When the light appears below the tree
And somebody sees you crying alone
You will deny all rumors and say:
My eyes are only dry at night
Roger, 67 years old
Cold and fear and perhaps sorrow you feel
Resigned but brave beneath the sky.
In the perennial return of the seasons,
to your beloved Kira, waving goodbye.
Philibert, 78 years old
From Madou to Saint Josse
Quiet steps over the snow
Binding extreme with strings
Drawing down life from above
Anne-Marie, 57 ans
C’était une femme forte, débrouillarde et soignée,
battante, elle ne se laissait jamais aller.
Elle avait une solution pour tout, même quand la poisse était au rendez-vous,
la maladie a eu raison d’elle mais sûrement pas de sa force de vie éternelle.
André, 74 ans
A 74 ans, éprouvé par la vie, tu as fini par quitter le monde des vivants.
La rue t’a mené aux urgences de l’Hôpital Saint-Jean,
souvent seul mais tu avais des amis avec qui tu passais beaucoup de temps.
Ils ne t’oublieront pas, tu souffles en eux comme le vent.
Michel, 58 years old
At the splendor of an ended day
death has built a throne.
How difficult it is to be alive
in a grey city, standing alone.
Patricia, 60 years old
Wonderful to depart one day,
to return again with the beloved friend.
Wonderful to find him awake,
whispering at your ear, to the end.
Ibrahim, 25 jaar
Gloeiend goud zoek je boven het water
Je zwenkt omlaag — zweeft en ziet
een grote zwarte zon
Mirosław, 43 years old
Curling yourself in a labyrinth of dreams,
uttering gladness and spreading verses,
singing and dancing and drinking,
vanishing when the city found its shadows.
Hassan, 57 years old
At the very moment of crossing the final border,
uttering sutras of Al-Koran, trembling and troubled,
whispering a succession of words only half heard,
remembering the red sands of the true paradise.
Ahmed, 39 years old
Always quiet, and smiling and charming,
always claiming to be a Prince of Islam.
You will come back home, you know,
to your beloved land of Pakistan.
Hassen, 51 years old
You learned from your cat Simba
the noble art of wandering around
of talking calmly and observing the world,
whispering verses and understanding life.
Daniel (« Banane »), 58 years old
The demons of midnight are calling you, Danny Banane,
loudly laughing about your own invented words
and suddenly the heart stops beating and flushes,
when winter announces its amber sorrows.
Badjinder, 47 ans
Tes îles, innombrables,
comblent la Porte de Hal
La rue t’appartient et ton visage
est plus glorieux que jamais
Jean (Jean-Pierre), age unknown
I promised you a song
And you spoke with signs
Small, sturdy & mute
And your girl cries