Oproep Found in Translation met Daniel Canty

Daniel Canty
14.01.2020
Literay translation
David Menidrey Zp Us Oqz By Fg Unsplash

Tijd voor een nieuwe aflevering in onze reeks vertaalworkshops Found in Translation! Op donderdag 27 februari buigen we ons over ‘Soliton & Gigantume’, een korte filosofische vertelling van de Franstalige Canadees Daniel Canty, Passa Porta’s writer-in-residence voor de eerste maanden van 2020. De workshop in aanwezigheid van de schrijver wordt begeleid door literair vertaler en recensent Daan Pieters. Na afloop wordt het beste resultaat gepubliceerd op onze website.

Zin om je kans te wagen, kennis te maken met Daniel Canty en meer te leren over de stiel van literair vertaler? Maak dan jouw Nederlandse versie van onderstaand verhaal en mail die vóór 10 februari naar piet.joostens@passaporta.be. Probeer ook een passende vertaling te maken van de namen in de titel! De tien beste vertalers worden uitgenodigd om deel te nemen aan de sessie met Daniel Canty en Daan Pieters, op 27 februari om 19u30 in Passa Porta.

Over de auteur

Daniel Canty (1972) is een Quebecse schrijver en kunstenaar die geboren werd in Lachine, een buitenwijk van Montréal. In zijn werk laat hij teksten steeds verschillende metamorfoses ondergaan, in literatuur en boekprojecten, film, theater, beeldende kunst en design. Zijn debuut was een online adaptatie van Alan Lightmans roman Einstein’s Dreams (1999). In zijn jongste boek, La société des grands fonds (2018), dat genomineerd werd voor de Prix du Gouverneur-Général du Canada en de Grand Prix du livre de Montréal, verkent Canty de verbanden tussen literatuur, water en geheugen. Wat zijn poëtische proza typeert, is een combinatie van encyclopedische nieuwsgierigheid met een gezonde dosis humor, en een grote aandacht voor de manieren waarop we de tijd ervaren. Zie ook danielcanty.com.

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Soliton &
Gigantume

À la mémoire de ce qui n’a pas eu lieu.

C’était nulle part et jamais, un peu avant que le monde n’advienne.

Soliton et Gigantume tournaient l’un autour de l’autre, seul à seul. Ils se demandaient depuis toujours comment ils en étaient arrivés là, qui des deux était survenu le premier, et s’ils parviendraient jamais à quitter ce lieu qui n’en était pas un. Et ils tournaient et retournaient autour de leurs questions sans cesse répétées, sans parvenir à franchir l’infime distance qui les séparait, les gardant d’une réponse.

Ils ne trouvaient pas les mots qui leur permettraient, de tour en tour de phrases, de se rapprocher d’une solution. Pourtant, dans leurs temps creux, chacun pour soi, ils parvenaient à s’expliquer leurs noms. Soliton, malgré la présence, à un doigt de lui, de son impossible compagne, devait le sien à ce qu’il était habité par la solitude la plus totale qui soit. Avant et après les choses, on n’en connaîtrait aucune de plus grande. Gigantume, elle, était triste de tout ce qui, comme leur étreinte, n’adviendrait jamais. Elle croyait que c’était sa faute si ces questions qui leur retournaient les entrailles existaient, et était convaincue que, sans elles, sa tristesse n’aurait aucun lieu d’être.

Avaient-ils tort, avaient-ils raison de penser ce qu’ils pensaient ? Tort ou raison d’être ceux qu’ils étaient ? Qui sait ? Le langage n’était pas encore lui-même, et ils ne se savaient être ni homme, ni femme, ni jeune, ni vieux. Au milieu de rien, ils étaient géants, ils étaient minuscules, et ils donnaient la mesure de tout ce qui ne parvenait pas à être. À la distance infime et infinie qui les tenait loin, les tenait au plus près l’un de l’autre, et qu’ils ne songeaient même pas à nommer, ils étaient deux noms sans chose à s’adjoindre, tournoyant ensemble, se désignant sans cesse l’un et l’autre.

Enfin, toujours, nulle part et jamais, à un moment donné, une lumière s’allumait entre eux, et mettait un point final à leur caressante, leur impossible ronde. L’apparition des étoiles avait brisé l’orbite des géants. Une lumière étincelait, première d’un poudroiement, et l’étoffe du vide déferlait comme une vague, les emportant avec elle. Soliton et Gigantume étaient repoussés loin l’un de l’autre, tombant et tournoyant, accrochés à la frange du monde. D’étoile en étoile, la distance dépliait le vide, et de nouvelles questions remplaçaient les anciennes. Hors de quoi tombaient-ils ainsi ? Vers quoi ? Et qui des deux, le premier, retrouverait son compagnon manquant ?

La parenthèse par où le monde venait au monde s’ouvrait et s’ouvrait. Les choses prenaient leur place. Soliton et Gigantume tombaient vers nulle part, accrochés à la pensée l’un de l’autre. D’autres qu’eux venaient, revenaient, et ce serait à leur tour de s’expliquer leurs noms.

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SOLITON & GIGANTUME ❡ Soliton et Gigantume sont les géants primordiaux, habitants du non-temps qui précède à toute chose. Soliton est le plus souvent représenté sous les traits d’un gros jeune homme, le sexe dressé vers Gigantume, femme statuesque aux mamelons brillants. Ils n’ont pas donné naissance à l’univers, mais ils ont contribué à l’engendrer. Entraînés dans une ronde perpétuelle par une attraction réciproque, ils tournent l’un autour de l’autre sans jamais pouvoir se rejoindre. (On voit dans ce pouvoir qui les lie une variation sentimentale sur la gravitation, sa loi étant supposée préexister, dans les théogonies scientifiques, à la création de l’univers.) Sans l’amour impossible de ces géants, il est concevable que le monde n’aurait pas eu lieu. Leurs noms répondent au lien tragique qui les unit : Soliton est le géant de la solitude éternelle, alors que Gigantume incarne l’amertume universelle. Quand leur ronde est brisée par la naissance de la première étoile, Soliton éjacule en un grand trait, et deux arcs lactés surgissent des mamelons de Gigantume. Le mélange amalgame l’étincelle initiale, et l’univers se gonfle en une nébuleuse lactée, repoussant les amoureux immaculés dans des directions opposées. Dans l’écart qui s’ouvre entre eux, les choses prennent place. Quand l’univers éteindra ses derniers feux, Soliton et Gigantume se retrouveront au cœur de nulle part, au plus près l’un de l’autre. S’ils s’aiment encore, le monde renaîtra, les repoussant de nouveau loin l’un de l’autre et justifiant encore leurs noms. S’ils ne s’aiment plus, nul ne sait ce qui adviendra. On dit que l’accouplement impossible de Soliton et de Gigantume engendrerait une version monstrueuse du monde, et c’est pourquoi ils sont condamnés à être les gardiens endeuillés de la possibilité. Le paradoxe qui les torture se résume donc ainsi : l’univers doit mourir pour que leur amour existe, et leur amour exister pour que l’univers ait lieu d’être.

Daniel Canty
14.01.2020