out-of-office : clémentine mélois

30.06.2022
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Phylactère version 3

L’odeur languissante de l’été s’est infiltrée jusque dans les bureaux de Passa Porta. La maison des littératures fermera ses portes du 20 juillet au 15 août. Plutôt que de souscrire à la tradition d’e-mails d’absence peu inspirés, nous avons eu l’envie de confier la rédaction de nos réponses « out of office » à douze écrivains belges et internationaux, dans des langues et formats variés. Leurs messages, accompagnés de conseils de lecture, vous seront dévoilés en quatre épisodes au cours des prochaines semaines. Une série littéraire au format inédit, et l’occasion -pourquoi pas- de choisir ce qui deviendra votre propre annonce d’absence…

Ci-dessous, le message « out of office » de l'autrice Clémentine Mélois. Connue pour ses pastiches ingénieux de couvertures de livres (le culte Cent titres, en 2014), la Française Clémentine Mélois (1980) est membre de l’oulipo depuis 2017, et notamment autrice de Dehors, la tempête, un essai personnel sur une vie de lectrice.

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Concerne: OUT-OF-OFFICE
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Une rencontre

L’autre jour, dans le train, j’ai aperçu une harde de chevreuils. C’était magique. Le temps d’un instant, j’ai eu le sentiment d’attraper au vol un fragment de vie sauvage, rare et fugace.
Un peu plus tard sont apparus au loin d’autres points brun-orangé sur fond engazonné. Le nez à la fenêtre, je guettais. Mais cette nouvelle harde n’était qu’un troupeau de vaches limousines. Aucun intérêt. Mon thermostat à émotions est retombé à zéro.
Tu vois, nos premiers rendez-vous étaient comme ce surgissement d’une vie sauvage. Chaque rencontre était comme l’éclipse d’un cerf devinée à la lueur des phares, au détour d’un virage. T’en souviens-tu ? Tes yeux brillaient. Mon cœur battait plus fort.
C’était il y a longtemps. Avant les habitudes. Avant que le quotidien ne fasse de nous des voyageurs distraits.
Le train de la vie passe dans un souffle, sans surprise, aspirant d’un seul coup le décor, les champs, les bois et les collines. Indifférents au paysage, nous ne prenons plus la peine de lever les yeux.
Mon amour, je ne veux plus être une vache limousine. Lorsque tu trouveras ce mot, je serai partie. Quelque part, n’importe où. Prends la voiture. Ouvre les yeux. Viens me chercher.

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Conseil de lecture de Clémentine Mélois

Le journal de Samuel Pepys. « C’est le journal d’un haut fonctionnaire de l’Amirauté anglaise, écrit de façon codée entre 1660 et 1668. Une merveille de drôlerie et de curiosité. « Il semble que Pepys n'ait eu d'autre désir que de se montrer respectable et qu'il ait tenu un journal pour montrer qu'il ne l'était pas », disait Stevenson. »

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(Si vous souhaitez faire partir ce message d’absence de vos propres boîtes mail, merci de mentionner : © Clémentine Mélois, pour la Maison internationale des littératures Passa Porta, 2022)  

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illustration © Valentine Lafitte, Passa Porta 2022
30.06.2022