courage (14) catherine barsics

D’abord, il est tapi dans tes ornières, perdu de toute couleur, sans source ni repos, quand rien ne s’intègre aux interstices. Depuis la nuit d’encre qui te mange la bouche, il serpente. Hors des sangles de tes forges, il pousse pourtant sa voie menue jusqu’à l’aube, s’étend vers le nord, l’horizon : il prépare son cri.

Entre les nœuds de ta charpente, de tes masses, séracs et rochers de carrures, il trouve une parcelle inouïe d’avant l’hiver, vient y bouter le feu, l’ébouriffe de son souffle, te rassérène. Il s’extirpe des soupentes du corps, de tes rouages rouges, s’extrait des engrenages. Car il est force primordiale qui surgit, primesautier même sous le givre.

Voici qu’il naît en oiseau, qu’il s’étire, étend ses mains de dentellière, qui ouvrent la lumière dans l’étoffe de peu. Il déroule son cou, s’ébroue de rosée, ploie d’herbe neuve et de terre fraîchement tournée. Ainsi, il éclôt, essor pour la peau à l’assaut des jours, caresse de pluie, fin drapé d’eau, ruisselant d’éclaircie. Son bourgeon te soulève.

Et soudain c’est l’envol, l’élan d’aller aux cimes ensemencer le vent, de tisser tes ailes, de marcher grand la ville, de planer entier. Te voilà porté, tu revêts son éclat, tu brasses l’arbre en toi ; d’envergure, tu dresses ton rebond, et te bander debout : arc, conifère, femme, citoyen, frère.

Son étincelle jaillit quand tout te semble éteint. Dans la ligne de fuite au battement quotidien, tu n’es plus aux abois, et enfin le nommer, puisque lui te tutoie : courage.